Je savais commettre la boulette du siècle en me réfugiant dans les bras de Cahl. L'entité qui vivait avec moi dans ce corps et dont je refusais l'existence, jubilait de se faire câliner par l'Alpha de la meute Stanton.
Sa chaleur, son odeur, tout ceci m'enveloppait et possédait un pouvoir rassurant. C'était quelque chose d'indescriptible.
Soudain, une étrange ambiance s'instaura entre nous. Un silence seulement troublé par la respiration profonde de Cahl, devenue aussi bruyante que s'il avait parlé à voix haute.
Je me détachais de lui, tremblante et désorientée, parfaitement consciente du poids de son regard sur moi.
Il fallait que je dise quelque chose, n'importe quoi.
— Je suis désolée de... de t'ennuyer avec mes états d'âme, bredouillai-je en me détournant sans oser l'affronter.
Je n'avais fait que quelques pas lorsqu'il s'adressa à moi :
— Tu peux t'appuyer sur ton Alpha. C'est également mon rôle de te soutenir.
— Tu n'es pas mon Alpha, rétorquai-je machinalement.
Cahl soupira avec lassitude.
— Tu devras te décider, tôt ou tard.
— Je ne veux pas aller avec la meute qui mange des gens.
— Ce que tu peux être.... butée !!
— Non. Ce n'est pas de l'entêtement, c'est... c'est... bon sang ! C'est juste logique !
— Tu n'écoutes pas tes instincts... Crois-moi, ils pourraient te sauver la vie un de ces jours ! Cela me rend fou que tu refuses de te fier à ta louve.
Je me retournais afin de le regarder droit dans les yeux, avec la ferme intention de le rembarrer sec. Son expression furieuse me coupa dans mon élan.
— Qu'est-ce que cela peut te faire, hormis de gagner une alliée ou un statut d'Alpha ultime ? Est-ce si important ? Le concept des âmes sœurs... n'est-ce pas plutôt l'amour inconditionnel ?
Les paupières du méta-loup se plissèrent méchamment.
— L'amour des âmes sœurs est une chimère, Beth. Une idée... un espoir... un fantasme.
— N'es-tu pas trop jeune pour être aussi blasé ? lançai-je en posant les mains sur mes hanches.
Cahl enfourna les siennes dans les poches de son pantalon et mon cœur cessa de battre. Un sourire que je n'avais jamais vu jusqu'à présent étira sa bouche. Un sourire enfantin et séducteur qui transformait littéralement son visage, puis il secoua doucement la tête dans un rire silencieux.
— Beth... commença-t-il avant de s'interrompre deux secondes. Beth, je suis un petit peu plus âgé que toi...
Je pris une goulée d'air.
— Je sais. Tout comme Koran ou Erwan... les autres métas de l'école.
Son sourire s'effaça immédiatement et je me surpris à le regretter. Devenais-je folle à lier ? Certainement.
— Ça ne fait pas de toi un vieillard, tout de même ! m'énervai-je.
— Pourquoi pleurais-tu ? me demanda-t-il subitement, l'expression à nouveau impénétrable.
— Parce que ma vie est merdique... ça te semble une bonne raison ? dis-je, venimeuse.
Je frottai mon front de la paume, fatiguée.
— Va te coucher... tu a l'air épuisée. Je vais rester ici le temps que tu dormes un peu.
Je ne me le fis pas dire deux fois et montai à l'étage rejoindre mon petit lit douillet. La présence de Cahl en bas m'aida à m'endormir rapidement.

***

J'éprouvai une sensation de chaleur intense dans chacun de mes membres : mes muscles brûlaient de l'intérieur. En ouvrant les yeux je réalisai entendre nettement une conversation, comme si les interlocuteurs se trouvaient dans la même pièce que moi, or, il n'y avait personne dans ma chambre.
J'écoutai attentivement, surtout en reconnaissant l'accent particulier de Cahl.
— Tu sais très bien ce que je veux dire Mallok... Si tu regardes bien, de nous trois, Erwan a tout du comportement de l'Omega, celui qui est le plus faible. Et moi... j'ai parfois l'impression d'être le réconciliateur de la meute... Non. Non je n'ai pas couché avec elle... parce que... Non. Pas pour cette raison, crétin ! Elle n'est quand même pas si moche. J'y avais pensé, pour asseoir d'entré de jeu ma dominance sur elle, seulement... je suis déstabilisé.
Le méta-loup était au téléphone ? Qui était ce Mallok ?
—... j'entends quelquefois distinctement ses pensées et c'est une capacité de couple Alpha. Koran... Koran doit avoir un problème pour que je parvienne à m'immiscer entre ces deux là.
Le frère d'Ulrich resta muet durant plusieurs secondes, sûrement que le fameux Mallok parlait et avait apparemment beaucoup de choses à dire.
— Je ne peux pas faire ça. Que je le veuille ou non, j'ai une affinité avec elle... Toi aussi tu devrais te faire à l'idée, moi j'essaie bien... Demain, nous nous rendons chez Alek et on dirait que je suis celui qui est le plus proche d'elle en tant qu'Alpha.... Mallok ! Nous parlons de l'ensemble de la meute, notre plan initial reste inchangé. Tu penses sérieusement que cela me fait plaisir d'être dans cette situation ? Essaies-donc de te mettre à ma place... je ne contrôle quasiment plus mon loup lorsque je suis à ses côtés... c'est difficile à décrire... Bien sûr que cela ne change rien à ce que j’éprouve pour toi... ne sois pas stupide.
Mon sang se transforma en glace pilée. Avais-je bien compris... ce que je venais d'entendre ?!
Cahl... Cahl était amoureux d'un... d'un... Mallok ?! Un... un gars ?!
Ma température corporelle ne cessait de grimper, ce qui m'obligea à m'extraire du lit afin de me diriger vers la salle de bain. Ulrich m'avait jeté sous l'eau froide la dernière fois, au gymnase. Cela devrait encore fonctionner... non ?
Cahl... J'avais dû me tromper... comment aurait-il pu... dans la limousine si il était...
Je tombais en gémissant sur le carrelage entre ma chambre et la salle de bain.
Quelque chose n'allait pas.
Quelque chose n'allait pas avec mon corps ! Une douleur fulgurante au bas des reins me fit hurler et je n'entendis même pas le loup-garou se précipiter dans les escaliers.
— Beth ! s'écria le loup-garou en se penchant au-dessus de moi. Beth !... Oh... Bennfish'1 ! Qu'est-ce que... mais qu'es-tu, Elizabeth Barrem ?!
— Qu'est-ce... qu'est-ce qu'il m'arrive... ? soufflai-je, complètement figée par la souffrance.
Mes yeux croisèrent ceux dorés du méta de la meute Stanton, ce dernier affichait une mine grave.
— Je pense que tu vis ta deuxième mutation.
— Sans la lune ?! couinai-je.
Cahl glissa délicatement ses bras au niveau de ma nuque et sous mes genoux puis me souleva avec douceur.
— Visiblement. L'autre animal cherche à prendre le dessus sur ta louve.
— Mais c'est quoi ? C'est quoi ! sanglotai-je, terrorisée.
— Je ne suis pas sûr... commença le futur Alpha en me ramenant à mon lit.
— Appelle Koran, murmurai-je les doigts crispés sur mon T-shirt. J'ai peur, s'il te plaît... contacte-le et dis-lui de venir.
— Non !
La réponse claqua dans l'air tel un fouet.
Je lui jetai un regard assassin, auquel il répondit avec froideur.
— J'ai déjà essayé, fit-il d'un air pincé. Je n'arrive pas à le joindre, son téléphone doit être éteint.
— Tu mens ! criai-je avant de me mettre en position fœtale sous la couverture.
— Que tu me crois ou pas n'a pas d'importance, je m'en contrefous.
Je l'entendis clairement ôter ses vêtements et la panique vint presque concurrence la douleur dans mon corps.
— Je peux savoir... – j'inspirai profondément afin de pouvoir finir ma phrase sans gémir – ce que tu fabriques ?
— Je suis ton Alpha, je vais t'aider.
— Te foutre à... à poil va m'aider ? C'est une bla... blague ?!
— Je ne vais pas te "prendre" si c'est cela qui t'inquiète... à moins que tu me supplies de le faire.
Même sans le regarder, j'étais certaine qu'il avait eu un de ces sourires narquois et cruel en disant la dernière phrase.
— Alors, là... cela ne risque pas d'arriver... grondai-je.
Puis je songeais à la conversation téléphonique de Cahl, celle que j'avais surprise un peu plus tôt.
— Vraiment... pas, dis-je encore, presque en riant malgré mes dents serrées.
— Je me demande à quoi tu penses, fit-il doucereux en plaquant son corps nu contre moi. Cet animal inconnu parasite ton esprit et j'ai dû mal à saisir ce qui se passe dans ta caboche de métisse. Tourne-toi face à moi, m'ordonna-t-il ensuite.
— Des clous !
Un effroyable grognement sortis de son torse et ce dernier dressa chaque poil ou cheveux de mon être, puis j'obtempérai à contre-coeur.
Mon visage se retrouva à quelques millimètres du sien. Ses traits étaient tirés en une mimique féroce mais son regard, même jaunâtre, fouillait le mien comme s'il cherchait une réponse précise à une question connue de lui seul.
Je poussai un hurlement plus animal qu'humain : mes hanches paraissaient se déboîter.
Les mains de Cahl prirent mon visage en coupe.
— Regarde-moi, Beth.
La voix du méta était sur une fréquence qui me provoqua une série de petites convulsions.
— Regarde-moi ! réitéra-t-il avec la même inflexion.
— D'a... d'accord.
Nous nous fixâmes longuement et je vis nettement ses pupilles se dilater. Sa respiration devint plus lente, beaucoup plus lente. La mienne se calqua automatiquement sur son rythme.
— C'est bien, dit-il l'inflexion douce. Maintenant, je vais ôter tes vêtements car si tu dois te transformer, cela risque de te gêner, tu comprends ?
J'opinai faiblement.
Il devait m'enlever mes habits. Pas pour... mais pour éviter que cela me gêne. Pas de problèmes.
J'ai mal... Seigneur ! Je vais mourir !
Je fermai les yeux en sentant les mains du loup-garou saisir le bas de mon T-shirt et l'aidai autant que faire se peut. Mes dents se mirent à claquer en percevant l'air sur mon épiderme sensible brûlant. Quand il s'attaqua à mon bas de jogging, je tentai de me rassurer du mieux que je pouvais : ce mec ne s'intéressait pas à moi. Pas de cette façon.
J'avais froid et mon corps était secoué par des spasmes qui se calmèrent instantanément au contact de la peau de Cahl, lorsqu'il m'entoura de ses bras.

— Elle... elle... elle est comment ? Je veux dire, physiquement, sur une échelle de un à dix ? me renseignai-je très vite, tout en jubilant que son géniteur soit le roi du "condom".
Cahl pencha la tête sur le côté, ses prunelles dorées m'observaient attentivement : il savourait mon interrogation et je devinais aisément la réponse face à tant de joie anticipée.
— Vingt, lâcha-t-il.
— Je t'ai demandé entre un et dix, lui rappelai-je, irritée.
— Je sais, rétorqua le méta-loup en portant à nouveau son attention sur le magazine posé sur les cuisses de ses jambes élégamment croisées. Et je me trouve assez objectif sur la question. Une créature sublime, termina-t-il en soupirant.
Je l’assassinai copieusement du regard.
— Cela t'amuse ? fis-je, acide.
— Énormément.
— Tu essaies de me rendre jalouse ?
— Ça fonctionne ?
— Non.
De ses doigts libres, Cahl fit claquer son pouce contre l'index.
— Zut, lança le loup-garou en accompagnant son geste.

Trop tard

gay ?!!

gay